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Déchéance du terme d’un prêt immobilier notifiée par un mandataire… sans pouvoir

Civil - Contrat
02/12/2021
L’irrégularité d’une lettre de déchéance du terme envoyée pour le compte du mandant en raison de l’absence de pouvoir du mandataire entraîne sa nullité relative, nullité que seul le représenté peut invoquer.
L’affaire jugée par la Cour de cassation le 24 novembre 2021 concerne un mandat de gestion entre deux sociétés financières. Les faits étaient simples. La Société financière pour le développement de la Réunion (la Sofider) avait conclu un mandat avec la société Réunion habitat prévoyant que lorsqu’une créance impayée n’était pas régularisée, celle-ci lui proposait la déchéance du terme. La Sofider gardait le pouvoir de prononcer cette déchéance. Elle déterminait ensuite, en concertation avec Réunion habitat, la procédure qui devait être engagée ; elle pouvait lui demander de poursuivre son action de recouvrement à l’encontre du débiteur défaillant. La Sofider avait consenti un prêt immobilier dont des échéances n’avaient pas été remboursées. La société Réunion habitat avait alors notifié la déchéance du terme du prêt à l’emprunteur. Puis la Sofider avait assigné ce dernier en paiement.
 
L’arrêt d’appel rejette la demande de la Sofider au titre de l'indemnité contractuelle et du capital restant dû et fait droit à la demande de l’emprunteur tendant à voir juger irrégulière la déchéance du terme pour défaut de pouvoir de la société Réunion habitat de notifier une telle déchéance.
 
La Sofider se pourvoit en cassation, faisant grief à l’arrêt de condamner l’emprunteur à lui payer la seule somme de 2 868,23 euros, augmentée des intérêts au taux légal. Selon elle, « l’irrégularité d’un acte en raison de l’absence de pouvoir du mandataire, ne peut être dénoncée que par le représenté ». La cour d’appel aurait donc violé l’article 1984 du Code civil.
 
La Cour de cassation censure la décision des juges du fond rappelant qu’il résulte en effet des articles 1984 et 1998 du Code civil que « les irrégularités affectant la représentation conventionnelle d'une partie, qu'elles tiennent en une nullité du mandat, un dépassement ou une absence de pouvoir, sont sanctionnées par la nullité relative de l'acte accompli pour le compte de la partie représentée, qui seule peut la demander ».

Remarque : confirmation d’une jurisprudence ancienne. Voir, notamment, Cass. 1re civ., 2 nov. 2005, nº 02-14.614, Bull. civ. I, nº 395 ; Cass. 3e civ., 7 déc. 2011, nº 10-27.092 ; Cass. 3e civ., 26 janv. 2017, n° 15-26.814, publié au Bulletin, et aussi à propos d'un mandataire social : Cass. 1re civ., 12 nov. 2015, nº 14-23.340, Bull. civ. I, n° 451).
 
Pour aller plus loin, voir Le Lamy Droit du contrat, n° 1383.
Source : Actualités du droit